Mon cher enfant,

N'oublie pas que je suis toujours avec toi et ne fais jamais que ce que tu pourrais faire devant moi sans avoir honte. Je veux dire que ce que tu n'oserais pas faire en ma présence physique, tu ne dois jamais le faire parce que je suis toujours avec toi.

Tendresses.

Le 6 mars 1935

 

Ma douce maman,

Je ne sais pas pourquoi quelque chose en moi est triste.

Même quand je suis très heureux, et vraiment heureux, cette partie-là est tout de même triste. Maman, dis-moi quelle partie en moi est comme ça — le cœur, Se vital, ou est-ce quelque chose de très superficiel et d'insignifiant ?

 

Mon cher petit,

C'est, en effet, quelque chose de très superficiel mais tout de même il faut que cela soit guéri. C'est ton corps qui ne se sent pas très fort et qui est triste de ne pas être en un bon équilibre de santé. Beaucoup de bon exercice en plein air et une nourriture abondante sont la meilleure guérison.

Le 16 mars 1935

 

Ma maman chérie,

Je ne sais pas pourquoi j'ai perdu tout mon bonheur et la paix. Je ne sais pas non pins quand elle sera dans mon cœur de nouveau. Ma douce maman, qu'est-ce que je vais faire?

 

Mon cher enfant,

Quand on a son attention toujours tournée vers soi, on n'est jamais heureux. Quand on se laisse gouverner par toutes les impulsions qui passent, on n'est jamais paisible.

Page – 128


C'est dans le travail et la maîtrise de soi que l'on peut trouver le bonheur et la paix.

Le 23 mars 1935

 

Ma douce maman,

Je veux être heureux, mais comment le serais-je ? Dans le travail, la tristesse vient ; je ne peux pas l'oublier. Ma maman chérie, sois- fou/ours avec moi.

 

Mon cher petit,

Il se peut que cette tristesse sans cause vienne aussi pendant que tu travailles ; mais si tu ne travaillais pas ce serait bien pire. C'est dans le travail qu'on trouve l'équilibre et la joie.

Je suis toujours avec toi pour t'aider et te soutenir.

Tendresses de ta maman.

Le 12 juin 1935

 

Ma douce maman,

Je me sens très fatigué, une partie en moi n 'est pas heureuse. Je ne sais pas si c'est quelque chose en moi ou au-dehors ; quelque chose qui se sent tout perdu et sans vie. Tu sais fout, ma maman. Me diras- tu ce que c'est ?

 

C'est quelque chose dans ton vital qui ne peut supporter aucune contrariété, même légère. Il faut que cette partie du vital apprenne à devenir plus endurante et plus forte.

Le 4 août 1935

 

Ma maman chérie,

Je me sens très fatigué. J'ai aussi un peu mal a la tête.

 

Mon cher petit, Je n'ai pas besoin de te dire d'où vient ton mal de tête ; tu le sais, je suppose.  

Page – 129


C'est seulement quand tu seras tout à fait régulier dans ta vie matérielle que tu pourras avoir une bonne santé.

Tendresses de ta maman.

Le 6 septembre 1935

 

Ma douce maman,

Depuis trois jours je me sens triste le soir. Ce matin, je me sentais triste aussi. Je ne sais pas exactement pourquoi ça vient. Pendant deux jours, j'étais très heureux, mais maintenant il semble que la joie est partie. Quand toutes ces choses partiront- elles ?

 

Mon cher enfant,

Il ne faut pas t'inquiéter de ces alternances. Quand l'être psychique vient à la surface il apporte avec lui sa joie : mais quand vient le mental ou le vital alors la Joie semble s'éloigner quoiqu'elle soit toujours là, en arrière, prête à se manifester à nouveau. Mais surtout il ne faut pas croire les suggestions d'incapacité et d'échec ; elles viennent de source adverse et ne doivent être données aucun crédit. Il y a sûrement des difficultés sur te chemin mais avec de la persévérance la victoire est certaine.

Tendresses de ta maman.

Le 16 décembre 1936

 

Maman douce,

Tu m'as dit que je fais des progrès. Est-ce pour me consoler que tu me dis cela ? Quand je regarde en moi pas seulement aujourd'hui, mais depuis deux ans) je ne trouve rien. Quelquefois je sens : "Pourquoi tous ces efforts, il n'y aura pas de fruit." Tu m'as dit d'ouvrir mon cœur et tout sera bien ; mais tu sais, maman, rien ne reste en moi.

Page – 130


Mon cher enfant,

Non, ce n'est pas pour te consoler que je t'ai dit que tu as fait des progrès. Les progrès sont indéniables quoiqu'ils puissent ne pas être très apparents. Certainement le chemin du yoga est un chemin très difficile ; et il ne faut pas s'attendre à en récolter les fruits après trois ou quatre ans seulement. Cela prend beaucoup plus longtemps que cela. Mais tu es jeune, tu as toute la vie devant toi ; tu n'as pas besoin d'être impatient.

Tu dis que tu as souvent des dépressions. C'est l'être vital qui se déprime quand ses désirs ne sont pas satisfaits.

Dans la vie ordinaire, il faut lutter pour satisfaire ses désirs, ici on lutte pour ne pas les satisfaire. En fait, quel que soit le chemin que l'on suive, le succès est toujours aux forts, aux courageux, aux endurants. Et tu sais qu'ici notre force et notre aide sont toujours à ta disposition ; il faut seulement apprendre à t'en servir.

Tendresses de ta maman.

Le 26 juillet 1937

 

Ma maman chérie,

Non, je ne pourrai pas faire toutes ces choses-là. Pourquoi le crois-tu ? As-tu des raisons spéciales pour le croire ? Dis-moi, pourquoi es-tu devenue si lointaine ?

 

Mon cher enfant,

Je ne sais pas du tout de quelles choses tu veux parler. Tout ce que je t'ai dit c'est que pour développer tes facultés artistiques tu es beaucoup mieux ici que dans n'importe quel autre endroit. J'ai ajouté que c'est seulement au cas où tu voudrais te marier qu'il te faudrait quitter l'Ashram.

Mais tu sais que Je ne conseille jamais à personne de se marier, c'est un terrible esclavage.

Je n'ai jamais pensé que tu veuilles vraiment te marier mais de temps en temps il est bon que je te rappelle que tu es libre et que  

Page – 131


c'est à toi de prendre la décision ; voilà tout.

Je ne te sens pas loin de moi ; pour moi tu es toujours dans mes bras. Si donc tu te sens loin, c'est une sensation mensongère qui n'est pas conforme à la vérité.

Tendresses de ta maman.

Le 28 juillet 1937

 

Ma douce maman,

Tu m'avais dit que tu avais vu deux choses quand je jouais- Qu'est-ce que cela veut dire ? ("Garouda", le palais et la rivière). J'espère que tu ne seras pas fâchée parce que je t'ai demandé cela.

 

Le palais et la rivière, c'était l'image d'un moment d'une de tes vies passées.

Le grand oiseau "Garouda" qui se tenait immobile derrière toi avec les ailes déployées est le véhicule de Vishnou, le destructeur des serpents. Il semblait se tenir derrière toi pour te protéger et t'inspirer.

Tendresses de ta maman.

Le 28 août 1937

 

La lune est le symbole de la lumière spirituelle, une dans son origine, multiple dans sa manifestation. I! n'y a qu'une lune et pourtant chaque réflexion de lune est différente. C'est cela que je voulais dire sous une forme poétique.

Tendresses de ta maman.

Le 9 septembre 1937

 

Ce que je voulais dire hier, c'est que tous les gens très sensibles sont ouverts à de nombreuses influences, et c'est pourquoi il leur est difficile d'être stables. Mais avec de la discrimination, on peut distinguer entre les mauvaises et les bonnes influences et rejeter les mauvaises avec persistance. Tendresses de ta maman.

Le 13 septembre 1937

Page – 132


Mon cher enfant,

Je comprends très bien ta difficulté. Elle est fréquente, et ne peut se résoudre qu'avec beaucoup d'endurance dans la volonté et beaucoup de patience.

En effet, d'un côté tu veux te consacrer au Divin et prendre ta place dans la vie divine qui s'élabore.

De l'autre côté tu veux les satisfactions de la vie ordinaire et les jouissances du vital, sans réfléchir d'ailleurs que ces jouissances ne s'obtiennent pas sans beaucoup de luttes et d'efforts et qu'elles sont toujours doublées de soucis et de souffrances.

Dans le premier chemin, il n'est pas question d'incapacité personnelle, puisque notre aide et notre protection sont toujours là. Il faut, en effet, t'ouvrir à cette aide et à cette protection et savoir les utiliser pour vaincre l'adversaire qui s'efforce de t'attirer vers la conscience inférieure et animale.

Tendresses de ta maman qui ne te quitte jamais.

Le 15 mai 1938

 

Ma douce maman,

Ces jours-ci, j'ai senti que je descendais Cas à pas plus bas — toutes les choses semblaient se refermer peu à peu sur moi-même, sur mon cœur. Je me sens (maintenant aussi) étouffé.

Est-ce que tu me fais sentir la vie sans toi, et comme ça, voir si je veux cette vie ou non ? Maman, si tu ne sais pas quel chemin est pour moi, alors qui le saura, maman ?

 

Mon cher enfant,

Je sais fort bien quelle est la vraie vie pour toi et quelle est ta destinée. Mais c'est toi qui dois t'en rendre compte et le comprendre pour que tu puisses le réaliser. De quelle façon te sens-tu descendre ? Est-ce que les désirs deviennent plus forts en toi ?

Page – 133


En tout cas tu peux toujours compter sur mon aide et n'hésite pas à la demander.

Tendresses de ta maman.

Le 29 MAI 1938

 

Ma douce maman,

Je me sens fout a fait étouffe. La lutte est devenue plus forte — combien de jours dois-je continuer comme cela, maman ?

 

Ne perds pas courage et ne sois pas impatient, ces choses prennent longtemps pour disparaître- Tu sais, n'est-ce pas ? que notre force, notre aide et nos bénédictions sont toujours avec toi.

Garde ton intérêt dans le travail — cela aussi t'aidera à traverser les moments difficiles.

Tendresses de ta maman.

Le 28 juin 1938

 

Maman,

Cet état intérieur devient de plus en plus mauvais au lieu de s'améliorer. Tu m'as dit d'être patient, mais comme cela je deviens une peirre, sans force, inerte et de plus en plus fermé. Je sens ta lumière et ta force autour de moi, mais je ne peux pas les recevoir. Je ne te demande pas de me dire quoi faire, parce que tu m'as ait d'être patient et je le serai, je te dis seulement dans quel état je suis, c'est tout.

 

Tu as raison de me le dire, mon cher petit, cela t'aide à t'ouvrir. Je comprends que c'est ennuyeux de sentir en soi cette résistance, mais persiste dans ta volonté de la vaincre et elle cédera tout à coup.

Tendresses de ta maman.

Le 10 juillet 1938

Page – 134


Ma douce maman,

Je voulais te demander une chose — c'est à propos de la poésie. Elle a cessé maintenant. Est-ce que quelque préparation intérieure est entrain de se faire, et qu'elle attend l'arrivée d'une plus haute inspiration?

 

Mon cher enfant,

Je pense, en effet, que ta poésie s'est arrêtée pour que tu puisses te préparer pour une plus haute inspiration. Tu tournais toujours en rond dans les mêmes formes ; il fallait que quelque chose de nouveau vienne.

Bien entendu, si tu sens que quelque chose veut s'exprimer, il faut essayer.

Je suis toujours avec toi, mon cher petit, et ma tendresse ne te quitte pas.

Ta maman.

Le 17 juillet 1938

 

Tu as mon plein consentement pour écrire la poésie, et Sri Aurobindo dit que ta faculté poétique ne fait aucun doute. Le poème d'aujourd'hui est très bon. Mais lorsque tu essayes d'écrire tous les jours, cela se mentalise de plus en plus et tu perds le contact avec la vraie inspiration. C'est pourquoi il ne faut écrire que lorsqu'on sent que l'inspiration est là.

Le 20 juillet 1938

 

Ma douce maman,

Tu étais fâchée contre moi? Je veux m'en aller — ce n'est pas que je me révolte contre toi, non, pas du tout, mais je veux être sur de mon chemin  Donne-moi une chance, maman, s'il te plaît.

Une chose que je veux te dire : tu seras toujours dans mon cœur.  

Page – 135


Je ne suis pas du tout fâchée ; mais puisque tu as décidé de partir, je ne puis pas non plus te retenir ni rien faire qui puisse t'enlever la force de partir. Je suis et serai toujours dans ton cœur ; ainsi tu es sûr de me trouver là si tu y entres assez profondément.

Tendresses de ta maman.

Le 30 août 1938

 

(Au mois d'octobre 1938, le sâdhak, âgé de dix-huit ans, quitte l'Ashram. !l reviendra huit ans plus tard. Les lettres suivantes ont été écrites durant son absence.)

 

Mon cher enfant,

Je viens de recevoir ta lettre du 25 et suis contente de savoir que tu es enfin rétabli.

Tu me dis dans ta lettre : "Maman, e ne veux pas le monde, non parce que je crains le devoir, mais parce que Je te veux toi." À ce sujet je voudrais [e dire quelque chose. Pour être sûr que tu sois fait pour la vie de l'Ashram, il faudrait que la vie spirituelle et tout ce qu'elle comporte de discipline, en un mot la recherche et la réalisation du Divin, soit la chose qui te paraisse la plus importante, la seule qui vaille d'être vécue.

Car ce sentiment de me vouloir moi, peut te tromper ; es- tu sûr que c'est le Divin que tu veux en moi ? Quand tu seras ici et que tu ne pourras pas me voir (car je ne donne plus, depuis l'accident de Sri Aurobindo, ni "pranâm", ni entrevues), ne sentiras-tu pas une fois de plus que tu sacrifies tous les plaisirs que la vie ordinaire peut donner, pour n'avoir pas grand-chose en échange ?

Naturellement si tu veux à tout prix mener la vie spirituelle, c'est autre chose. Mais dans ce cas c'est sur l'aide intérieure que tu devras t'appuyer, non sur une aide extérieure et superficielle.

Je te dis tout cela pour que tu ne sois pas encore une fois déçu après être revenu ici.  

Page – 136


Lis ma lettre très attentivement, réfléchis beaucoup pour être sûr de l'avoir tout à fait comprise, et quand tu auras vu tout à fait clair en toi, écris-moi encore.

Mes bénédictions et ma tendresse sont toujours avec toi.

Le 30 mars 1939

 

Mon cher enfant,

J'ai bien reçu ta lettre et )'e n'ai aucune objection à ce que tu ailles étudier la musique pendant trois ans à Lucknow puisque tu le désires.

Par contre, je ne pense pas qu'il serait sage de venir à Pondichéry en février, car une fois ici tu pourrais de nouveau être troublé et incertain et cela éveillerait en toi un conflit inutile.

Va à Lucknow, apprends-y tout ce que tu pourras apprendre, et ensuite tu pourras regarder le problème et prendre une décision définitive en. ce qui concerne ton avenir.

Ma tendresse, mon aide et mes bénédictions seront toujours avec toi.

Ta maman.

Le 11 janvier 1940

 

Mon cher enfant,

Si tu as tellement envie de venir à l'Ashram, tu le peux. Mais il y a deux choses dont je dois t'avertir :

1) Ici, ton vital ne trouvera aucune satisfaction, car la vie est devenue très limitée en raison des conditions de guerre actuelles.

2) Comme nous tous, tu vivras ici nuit et jour sous la constante menace d'un soudain bombardement. Si ces deux dangers ne t'inquiètent pas, tu peux venir.

Avec mon amour et mes bénédictions.

Le 10 avril 1942

Page – 137


(En avril 1946, le sâdhak revient définitivement à ï'Ashram. Les lettres suivantes ont été écrites après son retour.)

 

Ô ma douce maman,

Reçois ma gratitude pour m'avoir montré la vraie route. Donne-moi la force de rejeter toutes les choses qui viennent du dehors. Que ta volonté soit faite.

 

Ma tendresse et mes bénédictions sont avec toi pour te conduire sur le chemin.

Le 4 juin 1946

 

Ma douce maman,

Je veux être plus proche de toi dans mon cœur et dans tout mon être. Donne-moi le pouvoir de me donner complètement à toi. Reste toujours avec moi.

 

Oui, mon cher petit, je suis toujours auprès de toi pour t'aider, te soutenir, te guider. En faisant ton travail avec conscience, honnêteté et persévérance, tu sentiras ma présence de plus en plus proche de toi.

Avec mes bénédictions.

Le 29 juin 1946

 

Ma douce maman,

Plus je regarde en moi-même, plus je suis découragé, et je ne sais pas s'il y a une chance pour moi de faire des progrès. Il me semble que toutes les obscurités et tous les mensonges surgissent de toute part (de l'intérieur et de l'extérieur) et veulent m'avaler. Il y a des moments où je ne puis pas faire de distinction entre la vérité et le mensonge et je suis, à ce moment-là, au bord de l'aliénation mentale.

Tout de même, il y a quelque chose en moi qui dit très faiblement que tout sera bien,  

Page – 138


mais cette voix est si faible que je ne puis pas mettre ma confiance en elle¹.

Mes défauts sont si nombreux et tellement grands qu'il me semble que je ne réussirai pas. D'un autre côté, je n 'ai ni inclination, ni capacité pour la vie ordinaire. Et je sais que je ne pourrai jamais quitter cette vie. C'est ma position, en ce moment, entre les deux choses. Et la lutte devient de plus en plus aiguë. Que devrais-je faire ?

 

Ne te tourmente pas, mon petit, et reste aussi tranquille que tu le peux, ne cède pas à la tentation d'abandonner la lutte et de te laisser tomber dans l'obscurité. Persiste et un jour tu te rendras compte que je suis auprès de toi pour te consoler et t'aider et alors le plus dur sera passé.

Avec toute ma tendresse et mes bénédictions.

Le 25 septembre 1947

 

Sois sincère, toujours sincère, de plus en plus sincère.

La sincérité exige de chacun qu'il n'exprime que la vérité de son être.

Le 26 janvier 1950

 

Douce Mère,

Je sens que quelque chose ne va pas et que tu es très mécontente de moi.

 

C'est ta première phrase qui ne va pas, je ne suis pas mécontente de toi, alors toute la suite ne peut pas être vraie.

 

Je serais très heureux de connaître la vraie cause de ton mécontentement et je ferai de mon mieux pour

 

¹Mère a souligné les mois "tout sera bien" et elle a écrit en regard ; "Ceci est la voix de la Vérité et c'est elle que tu dois écouter."  

Page – 139


l'éliminer. Je ne puis te dire à quel point je suis peiné de savoir que tu es mécontente de moi, quelle qu'en soit la raison.

 

Il n'y a pas de vraie cause puisqu'il n'y a pas de mécontentement. Ta peine est purement gratuite, tu ferais donc mieux de t'en débarrasser immédiatement.

Avec mon amour et mes bénédictions.

Le 12 décembre 1953

 

Douce Mère,

Je t'en prie, ne sois pas contrariée par ce que je t'écris. Pour ma part, je puis tout supporter sauf ton mécontentement. Je sens que tu es très fâchée contre moi pour une raison que je ne comprends pas encore. Que veux-tu que je fasse ? Quelle est ta volonté ? Je ne puis dire à quel point je suis sensible à ton mécontentement. Veux-tu que je travaille davantage, que je sois plus discipliné, que j'aie une meilleure attitude ? Je suis plein d'imperfections; pardonne-moi, je t'en prie, car je ne suis qu'un être humain. Pardonne-moi, je t'en prie, pour ce que j'ai fait, et montre-moi les erreurs que j'ai commises.

 

Je ne suis pas contrariée, je ne suis pas mécontente — ton impression est complètement fausse et imaginaire ; elle est peut-être le résultat d'une mauvaise conscience, mais il faut que tu apprennes une fois pour toutes que quelles que soient les erreurs que les gens commettent, cela ne peut ni me contrarier, ni me déplaire. S'il y a une mauvaise volonté ou une révolte, Kâlî peut venir et châtier, mais elle le fait toujours avec amour.

Ainsi, rejette toute cette sottise et essaie d'être tranquille et heureux.

Avec mon amour et mes bénédictions.

Le 23 mars 1954

Page – 140


Mon cher enfant,

"Celui qui a choisi l'Infini a. été choisi par l'Infini."

N'oublie jamais cette promesse de Sri Aurobindo. et garde ton courage en dépit de toutes les difficultés. Tu es sûr d'atteindre le but, et plus tu garderas ta confiance, plus vite cela viendra.

Avec mon amour et mes bénédictions.

 Le 26 janvier 1956

 

(Les lettres suivantes ne sont pas datées; la plupart ont été écrites entre 1932 et 1938 durant le premier séjour du sâdhak à l'Ashram.)

 

Ne te tourmente pas, mon cher petit, et ne crains rien, ma grâce sera toujours avec toi et ne te manquera jamais. De plus, il n'y a aucune raison de croire que tu ne réussiras pas dans cette vie, au contraire, je vois en toi les signes de la vocation. Et puisque tu as résolu d'être patient, les difficultés seront sûrement surmontées.

Tendresses de ta maman.

 

 

Le fait de t'en aller ne t'aidera pas le moins du monde. Les moyens extérieurs sont inutiles; c'est le "dedans" qui doit changer. Maintiens ta résolution et mon aide sera efficace.

Avec mon amour et mes bénédictions.

 

 

Ma petite maman,

Je serai si heureux quand tous les nuages et les ombres se seront dissipés. Je veux une vie nouvelle.

 

Mon cher enfant,

Tu as bien raison de vouloir une vie nouvelle, et tu peux être sûr que je t'aiderai de mon mieux pour cela.  

Page – 141


Je suis bien sûre que la persévérance dans !'étude et l'acceptation d'une discipline de travail et d'ordre dans la vie, t'aideront puissamment à te renouveler.

Toute ma tendresse est avec toi pour t'aider et te guider.

 

Mon cher enfant,

La volonté et l'énergie se cultivent comme on cultive les muscles : par l'exercice. En ce moment avec toute cette foule et tout Se travail que j'ai à faire, Je ne puis pas te voir comme je voudrais, mais il faut que tu exerces ta volonté pour être patient et ton énergie pour repousser la dépression- Je suis toujours auprès de toi pour t'aider avec toute ma tendresse.

 

 

Ne te fais pas de souci et continue comme à présent, sauf, peut-être, qu'il ne faut pas permettre à ton être extérieur, superficiel et un peu trop léger d'intervenir dans ton effort et de le gâcher, comme par exemple pendant le défilé.

Le plus important est une endurance soutenue, tranquille, qui ne permet à aucun bouleversement ni à aucune dépression d'interférer dans ton progrès. La sincérité de l'aspiration est l'assurance de la victoire.

Avec mon amour et mes bénédictions.

 

Ma maman,

Ce qui m'empêche de peindre, c'est un manque d'énergie. Donne-moi une énergie vigoureuse. Je veux le silence intérieur et extérieur — paix dans tout mon être, du plus intérieur au plus extérieur. Paix, paix dans tout mon être.

Page – 142


Je ne peux pas m'exprimer avec les mots convenables et cela devient mélodramatique. (Excuse mes fautes.)

 

Je ne trouve pas que ton expression soit mélodramatique et il n'y a rien à excuser. Je sais que c'est par manque d'énergie que tu ne peux pas faire ta peinture. Mais toute l'énergie nécessaire je puis te la donner, tu n'as qu'à t'ouvrir et à recevoir et tu verras que la source est Inépuisable. C'est la même chose pour la paix et pour toutes les choses vraies auxquelles lu peux aspirer.

Tendresses de ta maman.

 

Ma maman chérie,

Je ne sais pas quoi faire. Je veux m'ouvrir à Toi, mais quelque chose m'empêche de m'ouvrir.

 

Mon cher enfant,

Tu trouves difficile de t'ouvrir parce que tu n'as pas encore pris la résolution de laisser ma volonté, et non la tienne, gouverner ta vie. Dès que tu auras compris la nécessité de cela, tout deviendra plus facile — et tu pourras enfin acquérir la paix dont tu as si grand besoin.

Je suis toujours avec toi dans cet effort et cette aspiration.

 

Maman,

Le vital est devenu très, très méchant. Aujourd'hui spécialement il est très révolté.

Tu n'as pas répondu à ma lettre. Veux-tu dire qu 'il n 'est pas nécessaire de le rendre paisible ?

 

Je n'ai pas répondu parce que ce que je dis semble n'avoir aucun effet.  

Page – 143


Si tu exprimais clairement, de façon précise, la nature de ta révolte, cela aiderait beaucoup à t'en débarrasser, parce que c'est une manière de s'ouvrir qui permet a la lumière d'entrer dans l'obscurité et de l'éclairer.

 

Maman,

Je me sens déprimé. El le plus souvent je sens que mon mental est fatigué. Je ne sais pas pourquoi. Aujourd'hui, mon vital aussi est terriblement révolté. Que faire?

 

C'est la même fatigue que celle des muscles qui ne travaillent pas assez. L'inaction est aussi fatigante que la suractivité. Ne pas travailler assez est aussi mauvais que de travailler trop.

Le vital est un personnage très encombrant qui préfère être mauvais que de passer inaperçu. Il faut lui apprendre qu'il n'est pas le maître de la maison.

 

Maman,

Je ne sais que faire de ce vital. S'il te plaît, arrête-le.

 

Sri Aurobindo : "Quand il se présente, ne l'acceptez pas et ne croyez pas ce qu'il dit — n'agissez pas selon ses indications. Il ne sera pas difficile alors de l'arrêter."

Et quand Sri Aurobindo te dit quelque chose, la première chose à faire, et la plus importante si tu veux vaincre la difficulté, c'est d'obéir.

 

Mon cher enfant,

Ce désir d'avoir des expériences fortes appartient au vital; c'est une tendance très fréquente chez ceux dont le vital, pas suffisamment développé,   

Page – 144


recherche la sensation violente dans i'espoir de sortir de sa lourdeur et de son inertie. Mais c'est un mouvement d'ignorance, car les sensations violents ne peuvent en aucune manière être un remède, au contraire, elles augmentent la confusion et l'obscurité.

Le seul remède est dans l'ouverture aux forces supérieures afin de les laisser faire dans ce 'vital leur œuvre d'organisation, de classification, de lumière et de paix.

Tendresses de ta maman qui est toujours là prête à t'aider,

 

Ma chère maman,

Tu es mécontente de moi, n 'est-ce cas ? Je suis si triste. Que puis-je faire ? Je trébuche à chaque pas.

 

Non, mon petit enfant chéri, Je ne suis pas mécontente, pourquoi le serais-je ? Je comprends tes difficultés et je connais ta bonne volonté, que tu veux bien faire, que Eu veux vaincre, que tu aspires à surmonter les faiblesses. Quand elles viennent, il ne faut pas penser que je suis mécontente mais, au contraire, que je suis avec toi toujours, te soutenant, te protégeant, t'encourageant avec un amour et une tendresse invariables.

 

Mon cher enfant,

Je suis toujours avec toi pour t'aider et te protéger.

Ne te laisse pas être dominé par de vaines imaginations.

La paix est là, dans le fond de ton cœur, concentre-toi là et tu l'y trouveras.

Tendresses de ta maman.  

Page – 145


Ma douce maman chérie,

Transforme toute ma nature. Je serai ce que tu voudras de moi. Donne-moi ta paix, ton silence dans mon cœur. Je ne puis exprimer tout en mots, mais, maman, tu sais tout.

 

Oui, je te comprends très bien, mon enfant chéri, et mon affection est toujours avec toi, voulant que lu aies une paix vaste et durable, un silence profond et lumineux, une force calme et concentrée, et la Joie immuable qui provient du contact constant avec la Lumière.

Avec toute ma tendresse.

 

Ma maman douce,

Je veux une paix profonde — très profonde. Je sens que je suis toujours dans tes bras.

 

Oui, c'est bien de rester dans mes bras, tu y trouveras cette paix à laquelle tu aspires tant, et aussi un repos générateur des vraies énergies.

Ma tendresse t'entoure, te berce toujours.

 

Ma douce maman,

Lumière, plus de lumière. Illumine-moi. Maintenant je sais, tu es la puissance la plus grande. Ma maman, prends-moi sur ton cœur, dissipe les obstacles.

 

Mon cher petit,

Blottis-toi toujours sur mon cœur toujours prêt a te recevoir, dans mes bras toujours prêts à t'envelopper, et ne crains aucun obstacle, nous les disperserons tous.

Avec toute nia tendresse.

Page – 146


Ô ma maman chérie,

Prends-moi dans ton cœur. Non, non, je ne veux pas ces misérables mensonges, Prends-moi dans ton cœur.

 

Je te prends toujours dans mon cœur, mais que puis-je faire si tu t'enfuis de là ? Il faut rester tranquille dans mes bras si tu veux que je puisse t'aider.

 

Maman,

Rends-moi plus paisible.

 

Chaque fois que tu te sens agité, tu devrais répéter, parlant au-dedans de toi-même, sans aucun son extérieur et pensant en même temps à moi:

"Paix, Paix, ô mon cœur ! "... Fais cela avec constance et tu seras content du résultat.

Mon amour et mes bénédictions.

 

Mon cher enfant,

La paix est sur toi, laisse-la te pénétrer, et dans la paix se trouve la lumière, et la lumière t'apportera la connaissance.

Avec toute ma tendresse.

Ta maman.

 

Mon cher enfant,

Comme je serai heureuse le jour où tu te sentiras toujours fort et content en toute circonstance.

Avec toute ma tendresse.

Page – 147